Les médecins en première ligne pour éduquer et informer contre les « fake news »

par | 25 juin 2024 | Explorer

Les médecins en première ligne pour éduquer et informer contre les « fake news »

Dr Pierre de Bremond d’Ars – Médecin généraliste & Président du collectif No Fake Med

Entretien avec Dr Pierre de Bremond d’Ars, médecin généraliste, président du collectif No Fake Med qui s’investit dans la promotion de la médecine, des soins et des thérapeutiques fondées sur les preuves scientifiques.

Un collectif qui prend racine dans une lutte ciblée

Le collectif est une association loi 1901, financée par ses adhérents, qui s’est constituée en 2018 à la suite de la parution de la tribune dite des 124, qui a été publiée le 18 mars 2018, avec pour but de se séparer les « pratiques de soins illusoires des pratiques basées sur les données de la science ». Cette tribune a eu pour effet d’amener le débat sur l’homéopathie dans la sphère scientifique, mais aussi dans le grand public. Le collectif s’est créé surtout « pour répondre aux attaques judiciaires des différents syndicats des homéopathes, qui attaquaient devant l’Ordre des Médecins les signataires » nous explique le Dr Pierre de Bremond d’Ars.

Mais l’enjeu du collectif est « surtout de faire la promotion et la défense de pratiques basées sur les données de la science, et de lutter contre la désinformation en santé ». La vague de désinformation durant le Covid a eu « un impact à la fois sur le quotidien des patients, et sur le quotidien des soignants, et sur la vie malheureusement aussi de nombreuses personnes. On sait aujourd’hui que la désinformation a énormément tué par le retard vaccinal, par la prise de traitements inadaptés ». Ces réflexions autour du Covid ont amené le collectif à se rapprocher des milieux de lutte contre les dérives sectaires. Le Dr Pierre de Bremond d’Ars dresse le constat que « dans les milieux de lutte contre les dérives sectaires, aujourd’hui, quasiment la moitié des situations prennent racine dans des problématiques de santé, dans la désinformation en santé, et dans des dérives qu’on appelle des dérives thérapeutiques ».

Un collectif qui s’investit contre toutes formes de « dérives du bien-être »

Le Dr Pierre de Bremond d’Ars reconnaît que « les dérives sectaires sont heureusement relativement rares dans leurs manifestations assez classiques, c’est-à-dire que les situations où les gens sortent complètement du système et dévient vers le complotiste ». Ce qui inquiète le collectif No Fake Med c’est « l’explosion du recours aux pratiques de bien-être, l’explosion du marketing de ce bien-être dans nos sociétés, avec le constat et la crainte des acteurs sur le terrain, d’une augmentation concomitante des dérives thérapeutiques ». Il est complexe de faire la part des choses entre des pratiques qui apportent un bien-être, et qui restent dans le cadre du bien-être, elles influent sur la santé, mais des pratiques de bien-être ont parfois un effet négatif. Cela devient problématique quand « on passe dans un cadre où le bien-être estime faire mieux et pense remplacer le soin conventionnel, le soin basé sur les données de la science, et entraîne malheureusement soit un retard diagnostique, donc un retard à la prise en charge d’une maladie, soit un arrêt des traitements ».

« L’enjeu est d’aborder ces questions sans juger et de travailler à la réduction des risques en donnant des repères intéressants aux patients »

En plus de l’information des patients, un engagement préventif via les professionnels de santé

Les actions du collectif No Fake Med ont évolué depuis 2018, en passant « d’un mode d’action assez punchy, avec des campagnes de communication pour faire le buzz sur les réseaux sociaux à une production de vulgarisation scientifique » avec des fiches sur les différentes interventions non médicamenteuses via une revue de la littérature. Les membres du collectif sont désormais des personnes ressources pour des groupes de travail des institutions, auprès de la Miviludes ou encore avec des associations de lutte contre les dérives sectaires. L’activité du collectif se concentre sur la formation et l’information, sur la prévention et la réduction des risques pour les patients auprès des soignants. Le Dr Pierre de Bremond d’Ars tente de répondre aux grandes questions posées par les patients. « J’ai recours à quoi ? Quand j’ai recours aux médecines complémentaires, qu’est-ce que j’en fais ? Si je fais de l’ostéopathie, si je fais du yoga, qu’est-ce que j’en fais ? Si j’ai recours à un hypnothérapeute, pourquoi ? ». L’enjeu est d’aborder ces questions sans juger et de travailler à la réduction des risques en donnant « des repères intéressants aux patients : si jamais ça représente une charge financière, attention, méfiez-vous ; si jamais le professionnel que vous avez en face de vous vous recommande d’arrêter certains médicaments, méfiez-vous, parlez-en à un médecin. Il faut avertir sur des drapeaux rouges comme les attouchements sexuels, les viols, les débuts d’emprise, l’éloignement, l’arrêt des traitements. C’est plutôt sur le patient qu’on essaie de faire reposer la discrimination entre je prends un risque, ou c’est une activité de bien-être qui me fait du bien, c’est du temps pour moi et c’est bien ».

Le numérique au service d’un combat sur le fond

Le Dr Pierre de Bremond d’Ars envisage le recours aux techniques de la désinformation dans les réseaux sociaux « pour des questions de recherche, de suivi de la désinformation, et éventuellement pour remonter à la source et couper les flux financiers, mais aussi pour diffuser de l’information de qualité et des outils de prévention. Cet aspect-là va nécessiter l’utilisation d’algorithmes, d’IA, de sciences des réseaux, de cartographie des réseaux, de diffusion d’informations, qui sont extrêmement intéressantes, et qui vont nous permettre d’être plus pertinents, et à terme de mieux soigner ».

Le mot qui compte de Pierre de Bremond d’Ars

Prévenir. « Prévenir, c’est au cœur à la fois de l’action du collectif, de ma médecine-médecin généraliste, et de mon rôle de papa. Construire des infrastructures solides et désamorcer, c’est prévenir. L’éducation, c’est prévenir. »

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