Benjamin Boutot est responsable des programmes d’innovation chez Relyens, groupe mutualiste européen spécialisé dans l’assurance et le management des risques des professionnels de santé et des territoires. Il nous détaille comment s’amorce une évolution drastique du rôle de l’assureur au sein de l’écosystème de santé.
Ingénieur formé aux Arts et Métiers, Benjamin Boutot a mené une carrière dédiée à l’innovation en santé, notamment au sein du pôle de compétitivité Medicen Paris Région où il a coordonné la filière Medtech. Aujourd’hui, il pilote chez Relyens une stratégie ambitieuse : utiliser les données issues des sinistres pour anticiper les risques médicaux, renforcer la sécurité des soins et contri- buer à une transformation structurelle des pratiques hospitalières.
Du curatif à la prévention : le nouveau rôle de l’assureur
Historiquement réactive, la fonction d’assurance consistait à indemniser les sinistres une fois survenus. Relyens souhaite désormais se transformer pour agir de façon plus proactive devenir et ainsi devenir un véritable « risk manager ». Pour Benjamin Boutot, cela passe par « l’exploitation renforcée et structurée des données de sinistres ». Ces dernières sont analysées en épisodes de soins, enrichis d’évaluations médico-légales permettant de mieux comprendre « les événements indésirables, leurs causes, et leurs impacts ». Cette logique s’inscrit dans un changement de paradigme : « partir des conséquences pour revenir aux causes, et agir en amont ».
Apporter une donnée nouvelle à l’hôpital
Benjamin Boutot nous explique que « contrairement à d’autres acteurs qui exploitent les bases hospitalières, qui exploitent les bases hospitalières, Relyens injecte une donnée externe, issue de la vie réelle et des sinistres médicaux ».
Cette information est unique, car elle inclut des dimensions médico-légales et économiques rarement accessibles aux établissements. « Nous ne cherchons pas leurs données, nous leur apportons la nôtre », résume-t-il. C’est un outil complémentaire qui aide les professionnels « à prendre de meilleures décisions, en amont des complications ».
« Contrairement à d’autres acteurs qui exploitent les bases hospitalières, Relyens injecte une donnée externe, issue de la vie réelle et des sinistres médicaux »
Exemples concrets : checklist, robotique, compte rendu opératoire…
Plusieurs exemples illustrent l’originalité de cette approche. La checklist opératoire, souvent sous-estimée, permet d’éviter les erreurs les plus graves et évitables que l’on appelle « Never Event » : compresse oubliée, erreur de patient, mauvais site opératoire. Grâce aux données de sinistres, il devient possible de démontrer leur fréquence et leur gravité réelle. Autre exemple marquant, le compte rendu opératoire constitue une pièce clé dans la communication médicale : une omission peut induire une erreur médicamenteuse post-opératoire. « Nous travaillons aussi à créer des comptes-rendus augmentés, intégrant des captations vidéos et audios, enrichies par les données médico-légales historiques de Relyens au bloc opératoire ».
Prévention ciblée, décisions éclairées : une stratégie mutualiste
Cette approche s’articule entre analyses de terrain, formations et exploitation de la donnée. Des risk managers – anciens hospitaliers – mènent des visites et accompagnent les équipes dans une logique pédagogique. En parallèle, l’exploitation des données permet d’objectiver les zones de risque prioritaires. Cette approche se veut collaborative, non prescriptive.
« Nous n’imposons rien, nous fournissons des outils », précise Benjamin Boutot. « L’objectif est de permettre aux établissements de renforcer leur sécurité sans complexifier leur organisation ».
De la santé des professionnels à celle des patients : quelles convergences ?
La question de la prévention côté patients se pose. Pour Benjamin Boutot, les mutuelles ont un rôle clé à jouer. « Leur proximité avec les patients assurés et l’accès aux données de santé grand public peuvent en faire des acteurs essentiels de la prévention primaire, notamment sur des enjeux de prévention comme le dépistage ou les comportements à risque ». Une collaboration entre mutuelles, établissements et assureurs professionnels permettrait de créer une chaîne de prévention complète, du professionnel au patient.
À terme, c’est toute la logique d’évaluation médico-économique qui pourrait être enrichie. En objectivant le coût de l’inaction et en démontrant l’efficacité de certaines pratiques, la donnée devient un levier stratégique, au service d’un écosystème de soin plus anticipateur, plus collaboratif, et fondé sur des preuves partagées.