IA générative, les mots magiques de la HealthTech ?

par | 15 avril 2025 | Comprendre, À la Une

IA générative, les mots magiques de la HealthTech ?

Rémy Teston – Consultant digital, expert e-santé & fondateur du média Buzz E-santé

Entretien avec Rémy Teston, consultant digital, expert e-santé et fondateur du média Buzz E-santé.

L’IA générative, une véritable révolution industrielle

L’intelligence artificielle est aujourd’hui un terme omniprésent dans notre quotidien. Cependant, pour Rémy Teston, il est essentiel de rappeler que « l’IA est loin d’être un simple algorithme ». En effet, elle vise à imiter les fonctions cognitives humaines telles que la pensée, la réflexion et le langage. Ces capacités font de l’intelligence artificielle une technologie particulièrement prometteuse dans de nombreux domaines, notamment celui de la santé.

« Aujourd’hui, tout le monde n’a que ce mot à la bouche, mais l’IA générative a un impact réel sur le monde de la santé à plein de niveaux différents », souligne Rémy Teston. « Par exemple, dans la formation professionnelle, elle permet aux formateurs de créer des cas cliniques virtuels ou des supports contenus personnalisés. » Elle révolutionne aussi la rédaction scientifique face à l’explosion des données. « L’une des problématiques des professionnels de santé, c’est le temps nécessaire pour digérer l’information », explique Rémy Teston. « Aujourd’hui, l’IA générative permet de faire le tri des données et surtout de faire des synthèses pour proposer de l’information digérée », rendant ainsi les données plus accessibles.

Dans le parcours de soins, l’IA générative optimise les interactions entre patients et médecins. « L’utilisation des IAs génératives dans la partie accompagnement du patient avec des solutions notamment sur la phase d’anamnèse peut faire gagner beaucoup de temps aux médecins dans la recherche diagnostique. »

En outre, en R&D pharmaceutique, cette technologie facilite l’élargissement des cohortes : « Grâce au machine learning et à des jumeaux numériques, il est désormais possible d’augmenter la taille des cohortes avec des patients virtuels. » Enfin, de la production au marketing, ses usages offrent des perspectives d’amélioration d’efficience.

« Aujourd’hui, tout le monde n’a que ce mot à la bouche, mais l’IA générative a un impact réel sur le monde de la santé à plein de niveaux différents »

Transparence, sécurité et coût : des questions en suspens

La montée en puissance de l’IA en santé s’accompagne de nombreux défis et enjeux. « Il y a tout d’abord la transparence des algorithmes, savoir comment ils sont faits, par qui, sur quelle base de données. » Cet impératif de transparence s’accompagne d’une problématique cruciale : la sécurisation des systèmes de santé. Face à des cyberattaques de plus en plus fréquentes, protéger les données devient une priorité absolue. Ces préoccupations s’inscrivent dans un climat de méfiance marqué par ce que l’on appelle la « FOBO », ou la peur de disparaître, qui s’accroît face à ces nouvelles technologies.

En parallèle, une question fondamentale émerge : « En cas d’erreur médicale, qui est responsable ? Le médecin ou l’éditeur de l’IA ? » Ce questionnement souligne la nécessité d’un cadre juridique clair pour accompagner l’essor de l’IA dans la santé. L’utilisation de l’IA dans le suivi médical soulève également des questions éthiques autour du consentement du patient : « Est-ce qu’on doit informer ou avoir le consentement du patient à l’utilisation d’un outil d’IA pour son suivi ? ». À cela s’ajoute le combat contre la désinformation qui s’intensifie avec la prolifération des outils numériques.

En outre, l’adoption de l’IA implique des investissements importants. « Il y a le coût d’implémentation, mais aussi le coût après de maintenance, de suivi, d’évolution. Une étude récente de l’URPS Île-de-France montre que le coût des outils numériques est l’un des freins au développement de la santé en France ». Ainsi, bien qu’il existe un forfait remboursé par l’Assurance Maladie, ces frais constituent un obstacle non négligeable notamment pour les petites structures.

L’innovation en santé à l’épreuve des normes et de la viabilité des modèles économiques

Bien que l’IA générative offre de nouvelles perspectives, l’écosystème des start-ups en santé reste freiné par les contraintes réglementaires. « Aujourd’hui, l’IA Act n’est pas compatible avec le DM Act, ni avec d’autres réglementations comme le MDR sur les dispositifs médicaux », déplore Rémy Teston. Cette superposition de normes, parfois contradictoires, rend le développement de solutions innovantes difficile. « Les start-ups passent la moitié de leur temps à gérer des normes ISO ou à travailler avec des avocats, au lieu de se concentrer sur leur business model ». D’autre part, les modèles économiques actuels, souvent basés sur un partenariat avec l’industrie pharmaceutique, peinent à s’avérer viables. « À un moment donné, cela ne marche pas. Il faut avoir un vrai modèle pérenne qui fonctionne par lui-même. »

Pour Rémy Teston, si ces deux freins ont leur importance dans la difficulté à créer des usages, le manque de formation joue également un rôle. « Aujourd’hui, on ne forme pas suffisamment », soulignant l’importance de préparer les acteurs de santé à l’utilisation d’outils numériques innovants.

Des initiatives pour améliorer l’inclusion numérique

Avec l’essor de l’IA générative, la transformation numérique s’accélère mais l’inclusion numérique demeure une préoccupation majeure. « On digitalise tout, mais on n’accompagne pas suffisamment les usagers. Aujourd’hui, près 17 millions de Français souffrent d’illectronisme. Ce sont soit des personnes qui ont une peur totale des outils informatiques, soit des personnes qui, en raison de leur âge ou de leur situation sociale, n’ont pas du tout accès à ces outils. »

Face à cet enjeu, des solutions émergent pour tenter de combler le fossé numérique. « Il y a des initiatives intéressantes. La plateforme Pix, initialement conçue pour les enseignants, a ouvert un volet pour former les professionnels de la santé, mais elle peut aussi être utilisée par n’importe quel usager. Vous avez aussi Emmaüs Connect, avec des ateliers pour former des seniors ou des gens qui n’ont pas accès directement à Internet. »

Un futur interconnecté au CES

« Au CES, beaucoup de choses sont des expérimentations ou ne sont pas encore lancées. Il y en a une partie qui ne verra jamais le jour, alors que d’autres vont se déployer mais c’est intéressant de voir vers où vont les innovateurs. Sur l’IA, ce qui est intéressant et qui pourrait se déployer, c’est tout ce qui va se trouver au domicile pour le suivi de la santé à domicile, le « home care ». Évidemment, ça dépendra aussi du taux d’équipement à chaque fois des personnes. Demain, je pense qu’il y aura beaucoup de solutions d’IA qui permettront aussi de tout interconnecter. Par exemple, proposer des programmes d’activés interconnectées avec le frigo qui détermine le niveau calorique de chaque aliment, ce qu’il faut préparer en fonction de l’apport quotidien… C’est intéressant en termes de prévention. Cela va favoriser aussi davantage le maintien à domicile, l’ambulatoire et faire en sorte que le temps de passage à l’hôpital soit de plus en plus court. »

Les territoires, moteurs d’innovation en e-santé

Les régions jouent un rôle clé dans le développement et l’expérimentation des solutions de santé numérique. Souvent éclipsées par les grandes orientations nationales, les initiatives locales témoignent d’un dynamisme et d’une capacité d’innovation qui méritent d’être mieux valorisés. Un acteur méconnu mais essentiel de cette dynamique est constitué par les GRADeS (Groupements Régionaux d’Appui au Développement de la e-Santé). « Leur rôle, c’est à la fois de faire émerger toutes les solutions e-santé du territoire et de former, d’accompagner les professionnels de santé et les patients pour créer des ambassadeurs pour l’e-santé chargés de promouvoir ces innovations. » Outre les GRADeS, les tiers-lieux d’expérimentation et les technopoles représentent des espaces propices à l’émergence et au développement de projets e-santé.

Les initiatives locales permettent souvent de répondre à des besoins spécifiques. « La plupart des startups sont nées comme ça. Ce sont des médecins qui avaient besoin d’une solution pour leur service. » Cependant, toutes ces initiatives ne connaissent pas le même succès : « Certaines vivotent en local, mais d’autres essayent de se développer largement. » Cette disparité met en lumière l’importance d’un soutien à la fois technique et financier pour permettre à ces solutions locales de franchir les frontières régionales. C’est une dynamique qui profiterait à tous les acteurs car « l’IA, ce n’est pas un grand remplacement, mais des solutions au service de la pratique des uns des autres, quel que soit le métier. »

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