La santé numérique, oui, mais en qualifiant les usages
Le Pr Olivier Guérin, professeur de gériatrie et vice-président de l’incubateur santé Future4Care, est passionné depuis 15 ans par la santé numérique en médecine. Il a vite compris que sans qualification des usages, les outils digitaux ne peuvent être efficients. C’est ainsi qu’il a été l’initiateur de la création du Centre d’innovation et d’usage en santé (CIUS). L’objectif était d’élaborer un parcours de qualification en prônant la co-conception d’innovation en santé entre les ingénieurs et les acteurs du sanitaire, les patients et plus largement l’organisation du système de santé.
Au-delà de qualifier les usages, il est apparu que le système de santé n’était pas mature pour les implémenter à cause de l’hétérogénéité des acteurs, des offreurs et le manque d’intégrabilité. Compte tenu de l’effondrement de la capacité de réponse du système de santé, le Pr Guérin considère que nous sommes dans une nécessité vitale d’évolution. En effet, les services digitaux en santé se doivent d’améliorer « la qualité des soins, voire la qualité des parcours au sens large pour nos concitoyens en santé. Comme le système de réponse curative est affaibli de manière durable, il faut aussi qu’on mise tout sur l’autre volet, qui est le volet prévention. »
Du parcours de prévention aux parcours de soins
Ce constat est le point d’ancrage de la cohorte Bien vieillir ensemble. Cette cohorte a pour objectif d’étudier l’importance d’une vision holistique « entre le pied prévention et le pied parcours de soins, afin qu’il n’y ait pas de cloison entre la prévention et le soin. Pour des publics de plus de 55 ans, à savoir 30 000 personnes ». « Si on fait de la bonne prévention, on va faire du diagnostic précoce », c’est ainsi que le parcours de prévention va permettre l’entrée dans le soin avec un écosystème construit autour d’une vision intégrative versus une vision silotée de la prévention.
« On a toujours dit que c’était mieux de ne pas être malade qu’être malade. Aujourd’hui, on a intérêt à ne pas être malade. »
Un bilan de prévention évalue toutes les dimensions de la santé d’une personne, y compris la vie sexuelle, la spiritualité, sa vision de la finitude et du vieillissement. Cela permet de coordonner des interventions de prévention pluriprofessionnelles en s’appuyant au maximum sur le territoire. Pour rendre ceci possible, il est indispensable de s’appuyer sur des plateformes de données hyper robuste et sur des systèmes de croisement de données pour mieux comprendre l’écosystème dans lequel la personne vit.
Un système de santé qui s’interface fatalement avec la géopolitique et la transition environnementale
Avec une transition démographique menant à un vieillissement généralisé de la population mondiale, notre avenir, d’après le Pr Olivier Guérin, va passer par notre capacité à avoir de la donnée de qualité afin d’anticiper l’impact cumulé de la transition climatique, énergétique et environnementale sur le sanitaire. Dans les vingt années à venir, la fragilisation des populations par l’âge, cumulé à la déstabilisation environnementale, est encore difficile à appréhender et est un enjeu hautement politique pour les Etats. Certains pays d’Asie, plus particulièrement, seront très impactés et misent sur le couple robotique/IA. Alors que les pays d’Europe sont plus tournés vers l’immigration de populations notamment d’Afrique Subsaharienne. Ainsi, faire un meilleur usage des produits, solutions et services du digital, comprendre comment va s’interfacer la Gen AI dans ces évolutions, on encore préserver la souveraineté de la donnée sont les grands enjeux à prendre en considération au niveau européen.
Les médecins ont leur rôle à jouer dans cette évolution. Le Pr Olivier Guérin se souvient d’une intervention d’Axel Kahn dans son université qui explicitait sa vision de ce que devait être les trois socles de compétences des médecins : le premier se basant sur les connaissances médicales, le deuxième sur les compétences cliniques et le troisième sur les aptitudes en ingénierie et en digital.